NASH, ou l’épidémie silencieuse… Se soigner par la prise en charge de la surcharge pondérale

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La « maladie du foie gras » ou stéatohépatite non alcoolique, plus connue sous son acronyme anglais NASH, pose un problème majeur de santé publique. En l’absence de médicament homologué à ce jour contre cette maladie, qui peut créer des complications graves (accidents cardiovasculaires, cirrhose, cancer du foie), la perte de poids selon une méthode médicalisée est le seul traitement efficace.

Selon les hépatologues, c’est une véritable « bombe à retardement ». Une épidémie silencieuse qui se propage à bas bruit mais promet une catastrophe sanitaire. Certains parlent même de « fléau du siècle ». Également appelée « maladie du foie gras » ou « maladie du soda », la stéatohépatite non alcoolique ou NASH (Non Alcoholic Steato Hepatitis) se répand à grande vitesse avec l’épidémie mondiale d’obésité et de diabète, et inquiète les autorités sanitaires des pays développés. Une pathologie d’autant plus insidieuse qu’elle est difficile à détecter avant les derniers stades d’évolution de la maladie.

Quand la graisse s’accumule dans le foie…

La NASH est la forme grave de la NAFLD (Non Alcoholic Fatty Liver Disease) ou stéatose hépatique non alcoolique, caractérisée par l’accumulation de graisse dans les cellules du foie. Mais ici, ce n’est pas une consommation excessive d’alcool qui est en cause, mais plutôt un régime alimentaire trop riche en sucres et en graisses, combiné à un manque d’exercice physique.

Aux Etats-Unis, la NASH est devenue la première cause de greffe du foie. Une étude américaine estime même que 34 % de la population adulte des USA est affectée par la NAFLD, soit au moins 43 millions de personnes… Et que 12 % serait touché par la NASH ! En France, selon les données de la cohorte Constances (2020), la NAFLD concerne 18,2 % de la population adulte, soit près de 8 millions de personnes. Parmi elles, 2,6 % (220.000 personnes) présentent une maladie hépatique avancée avec un haut risque de développer une cirrhose ou un cancer du foie. Des projections estiment que d’ici à 2030, ce nombre va plus que doubler, et que les cirrhoses et les cancers du foie liés à la NASH vont tripler.

Dès 2016, des experts réunis à l’Institut Pasteur tiraient la sonnette d’alarme. « Les risques cardiovasculaires et diabétiques liés au déséquilibre alimentaire sont bien connus, mais il faut prendre conscience que l’épidémie de surpoids et d’obésité que connaissent nos pays entraîne également une augmentation du nombre de maladies graves du foie », déclarait le Pr. Jean-Michel Pawlotsky, de l’hôpital Henri-Mondor (Créteil). Avec l’épidémie d’obésité infantile, la NAFLD pédiatrique est aussi devenue une préoccupation majeure pour la communauté médicale, un nombre croissant d’études rapportant une augmentation significative de sa prévalence chez les enfants et les adolescents – celle-ci irait de 3 % à 10 %.

« La NAFLD, forme bénigne de la NASH, est la première cause de maladie chronique du foie dans le monde », explique le Pr Cyrielle Caussi, endocrinologue au CHU de Lyon. « Mais certains patients développent une forme plus grave, la NASH, avec une inflammation évoluant vers une fibrose. Cette pathologie est alors plus qu’une maladie du foie car celui-ci est au centre de tout le processus métabolique. Ainsi, le premier danger pour les patients NASH est bien cardiovasculaire », précise cette spécialiste. Les personnes les plus à risque de développer une NASH sont celles souffrant d’obésité ou de diabète de type 2. Une étude a ainsi montré que 91 % des personnes en situation d’obésité sévère souffraient de la NAFLD et 37 % de la NASH.

Caractérisée par l’accumulation de graisse dans les cellules du foie, la maladie progresse en silence, les symptômes restant souvent invisibles jusqu’à ce que l’organe soit réellement endommagé. Au premier stade, le principal risque est cardiovasculaire : c’est la principale cause de décès des patients atteints de NAFLD (38 % des cas). Dans un deuxième temps, si la maladie n’est pas prise en charge, des mécanismes inflammatoires se mettent en place dans le foie : c’est à ce stade qu’on parle de NASH. Les cellules du foie peuvent alors gonfler et se nécroser. Une fibrose peut ainsi s’installer, qui peut conduire à la cirrhose (fibrose de stade 4). A terme, le foie peut perdre sa fonction, et aux stades les plus avancés de la maladie, le patient n’a souvent d’autre option que la transplantation hépatique.

Seul traitement : la perte de poids

La maladie est irréversible lorsqu’elle est diagnostiquée trop tardivement (cirrhose), mais elle peut être réversible si elle est prise en charge avant. Plusieurs études ont montré que la perte de poids ralentit considérablement la progression de la NASH, voire la stoppe. Il est ainsi admis par la communauté médicale que perdre 10 % du poids du corps ferait disparaître la stéatohépatite dans 90 % des cas. Une étude cubaine publiée dans Gastroenterology en 2015 a par exemple soumis près de 300 patients atteints de NASH à un programme de 52 semaines fondé sur le mode de vie (régime hypocalorique appauvri en graisses et activité physique accrue). Résultats : pour une perte de poids supérieure à 10 % du poids initial, on observe des taux très élevés de rémission (90 %), de régression de la fibrose (81 %) et d’amélioration de la stéatose (100 %).

Malgré l’accélération de la recherche et l’existence de pistes prometteuses, « il n’y a pas à ce jour de médicament approuvé contre cette maladie, et seule la perte de poids est préconisée », résume le Pr. Massimo Levrero, hépatologue au CHU de Lille. « Les patients atteints de la NASH peuvent agir sur la maladie en modifiant leur mode de vie. Une modification efficace et durable peut avoir un effet sur la NASH et même sur la fibrose, sous réserve d’une perte de poids durable et supérieure à 10 % de la masse corporelle ». Au-delà de la solution radicale de la chirurgie bariatrique pour les patients en situation d’obésité morbide, la prise en charge de la pathologie passe donc par des changements dans l’hygiène de vie : il s’agit d’adopter une alimentation équilibrée et de pratiquer une activité physique régulière en vue de perdre du poids.

Aujourd’hui, des solutions existent pour atteindre cet objectif avec une approche médico-diététique. C’est toute la démarche, par exemple, du réseau RNPC (Rééducation nutritionnelle et psycho-comportementale), qui prend en charge des personnes en surcharge pondérale afin d’améliorer leur état de santé, en relation avec leur médecin traitant. Un programme de perte de poids dont l’efficacité a été prouvée par des études cliniques indépendantes et qu’ont déjà suivi quelque 100.000 patients.

Une étude franco-danoise, publiée en 2018 dans le journal scientifique Obesity Medecine et réalisée sur 12.000 patients ayant suivi le programme RNPC, a montré que 90 % d’entre eux perdaient en moyenne 11 % de leur poids initial sur une durée de 3 à 4 mois. Ceux qui complétaient toutes les phases du programme (stabilisation comprise) perdaient même en moyenne 17 % de leur poids initial sur une durée de 8 à 9 mois. Une autre étude a confirmé que 78% des patients ayant complété la phase d’amaigrissement du programme, et qui présentaient une stéatohépatite métabolique ont vu celle-ci disparaitre avec la perte de poids.

C’est un résultat très appréciable, car « les conséquences de « la maladie du foie gras humain » sont très graves », rappelle Rémy Legrand, concepteur du programme RNPC. « À court terme, ce sont les complications cardiovasculaires qui sont à craindre, surtout qu’il n’est pas rare que cette maladie soit accompagnée d’autres maladies métaboliques comme le diabète ou l’apnée du sommeil. A long terme, ce sont les complications hépatiques, telles que la cirrhose ou le cancer du foie, qui mettent en danger la vie du patient, nécessitant bien souvent une greffe en urgence ».

L’intérêt croissant suscité par l’efficacité de cette méthode s’est traduit, le 1er juillet dernier, lors du 3e Congrès RNPC à Marseille, par la présence d’intervenants de très haut niveau comme le Pr Charlotte Constantin , Hépatologue (CHU de Grenoble), qui a rappelé l’intérêt de calculer systématiquement le score de FIB4 , le Pr Arne Astrup (Danemark , vice-président senior Novo Nordisk Fundation), spécialiste mondial de la physiopathologie du métabolisme énergétique et du traitement de l’obésité, le Dr Marc Sapene, pneumologue et spécialiste du sommeil (Bordeaux), le Pr Michael Lean (nutrition humaine, université de Glasgow), le Pr Susan Jebb (santé publique, université d’Oxford), ou encore le Pr Laurent Peyrin-Biroulet, spécialiste des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (CHU de Nancy), le Pr Zaoui , néphrologue (CHU de Grenoble). Tous ont souligné l’intérêt d’une telle thérapeutique non-médicamenteuse pour perdre du poids et améliorer l’état de santé des patients. La lutte contre la surcharge pondérale et la NASH doivent devenir une priorité des politiques de santé publique. Le corps médical en prend peu à peu conscience, aux décideurs politiques de s’en emparer.

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